Bagdad est tombée, et Saddam et ceux qui lui sont fidèles ont disparu.
Etant depuis des mois fermement opposée à cette guerre, ce matin j'ai décidé de faire un tour dans la presse européenne. Pas dans celle qui pense la même chose que moi, mais dans celle qui, n'étant pas vraiment favorable à la guerre, la justifiait cependant d'une certaine façon. En Europe (celle des 15), personne ne le faisait "ouvertement", à part la Grande-Bretagne de Blair et Aznar sans l'Espagne.

Si j'étais cynique, aujourd'hui j'aurais le mauvais sourire du vainqueur, car elle est unanime face à l'horreur qui a déferlé sur l'Iraq. Et j'espère bien qu'on ne voudra pas m'opposer la liesse des groupuscules iraquiens qui ont accueilli avec joie les Américains ou qui se déchaînent contre une statue, après qu'un GI, qui manifestement n'a pas encore compris la différence entre ce qu'on peut faire et ce qu'il faut que les gens croient qu'on fait, ait recouvert le visage de Saddam avec le drapeau du "conquérant". Gaffe vite réparée, mais gaffe quand même, et qui restera dans l'Histoire.
Je pensais, disais-je, que cette fameuse presse favorable à l'intervention des USA allait jubiler : "Nous avions raison, Bagdad est tombée en 21 jours !"
Et bien non ! Elle ne jubile pas, et ses éditorialistes ont même la gorge serrée, tout comme moi.

Sur mon petit écran, j'ai assisté aux scènes de saccages, de pillages, de violences, de dévastations, de désordre, d'impotence, partout et même dans les hôpitaux, j'ai vu l'amoncellement des cadavres qu'on n'enterre pas et qui se couvrent de mouches. Des scènes de lynchage, je n'en ai vu qu'une... contre deux fedayins qui essayaient de se cacher dans un hôpital. J'ai vu également des femmes qui cherchaient des parents disparus. Mais rien en comparaison avec les marchés déserts et le peu de marchandises et de médicaments encore disponibles que les commerçants et les médecins défendent avec des kalachnikovs.

Alors, s'agissait-il d'un peuple plein de haine envers le régime, ou d'un peuple qui mourrait de faim et manquait de tout à cause de l'imposition et de la prolongation d'un honteux embargo de 12 ans ? Et cette "démocratie" à peine importée, pourquoi ne fonctionne-elle pas sur des ventres vides ? A-t-on montré les mêmes scènes au peuple Américain ?

Il y aurait encore tant à dire, à propos de l'indifférence, par exemple, de l'armée des envahisseurs qui se contente de regarder au lieu d'intervenir. Mais ici, je veux conclure avec la dernière phrase de Massimo Nava, éditorialiste du Corriere della Sera : "La guerre de libération a coulé un régime tyrannique, mais avec lui, elle a coulé un Pays. Un grand feu de slogans, principes internationaux et cadavres."
Et je crie à l'impudeur de ceux qui osent se délecter en nous faisant visiter les palais de Saddam. Au soleil, la richesse se veut plus exubérante. Mais que penser de celle, moins apparente mais sans aucun doute supérieure, des magnats des multinationales qui réduisent les gens au chômage, ou de celle des multimillionnaires américains qui se proposent de redessiner le monde ?