Le 23 avril, au nom du respect de la libre circulation des personnes, le gouvernement chypriote turc a finalement permis l’ouverture de la « ligne Attila », le nom turc de la « ligne verte », ligne de démarcation gardée par les soldats de l’ONU (longue de 180 km et d'une largeur variant entre 3 mètres et 7 kilomètres) qui marque la division de l'île entre la République turque de Chypre du Nord (la RTCN, peuplée de 180 000 habitants, reconnue par Ankara seulement) et la partie grecque de l'île (620 000 personnes) dont le gouvernement est considéré par la communauté internationale comme le représentant de la République de Chypre. La décision a immédiatement été acceptée par le gouvernement chypriote grec. Cette ligne de démarcation avait été crée en 1974 par l’armée turque en réponse à un coup d'état d'ultranationalistes chypriotes grecs qui souhaitaient rattacher Chypre à la Grèce.

Aussitôt la fête a commencé. En l’espace de neuf jours 130.000 personnes ont traversé un des trois passages ouverts, en pèlerinage vers le passé en quelque sorte, vers les villages et les maisons abandonnées par force près de 30 ans plus tôt. Les Chypriotes grecs se sont présentés par familles entières sur les lieux qui étaient les leurs il y a si longtemps, pour prendre des photos ou pour filmer pour ceux qui ne peuvent pas se délacer. Et ils ont été accueillis à bras ouverts par les « occupants », ces Chypriotes turcs qui, pour l’occasion, ont fait les grands nettoyages, invité chez eux les visiteurs, allant jusqu’à organiser de véritables réjouissances, et restituant même des objets, des photos ou des lettres laissés sur place 30 ans plus tôt.

Pour la partie turque, il y a sans aucun doute un espoir économique dans cette ouverture car les revenus dans la partie grecque sont cinq fois supérieurs, mais comme le rapporte un article paru dans Le Monde : « Le plus important, c’est que les tabous soient tombés. C’est le triomphe du bon sens populaire sur la propagande et les clichés. Plus aucun Chypriote grec ne pourra croire que les Chypriotes turcs sont des barbares sanguinaires et plus aucun Chypriote turc ne pourra dire que la vie ensemble est impossible ».

« Le mythe du mur », quand tombera-t-il définitivement ? Rien de tel pour vous donner envie d’aller voir de l’autre côté. Ici comme à Berlin, comme en Corée, comme celui qu’Israël est en train de construire. Comment aujourd’hui peut-on encore ignorer que de part et d’autre vivent des êtres humains attachés aux mêmes principes de base, la famille et la terre qui les a vus naître, bien au-delà des religions et des idéologies ?