A El Paso, le Rio Bravo (ou Rio Grande) trace la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Il poursuit ensuite son cours vers le Golfe du Mexique. Ce fleuve essentiel à la culture maraîchère des deux pays est cependant utilisé de façon différente par chacun d’entre eux.

Dans ses eaux marrons et tumultueuses, le premier déverse des ceps de bactéries résistantes aux antibiotiques et des populations mutantes de staphylocoques dorés. Dans ces mêmes eaux, les habitants du second récoltent de nombreuses allergies de la peau qui vont de la difficulté de cicatrisation aux hémorragies qui se manifestent plusieurs jours, voire plusieurs semaines après « l’immersion ».

L’immersion ? Si, celle qu’entreprennent les « indocumentados » mexicains et centre-américains pour échapper à la migra et aux contrôles militaires toujours plus sophistiqués, dans leur tentative de traverser le fleuve à la nage pour entrer aux Etats-Unis. Combien sont-ils ? Les statistiques parlent de milliers de personnes prises et renvoyées dans leurs pays d’origine, mais aussi des 46 morts noyés depuis le début de l’année. En fait, on n’en saura jamais le nombre, car pour ceux qui ont réussi à passer, aucun danger qu’ils aillent se faire soigner dans un centre de santé. Ils ont trop peur d’être pris par les services d’immigration. Ils se contenteront donc d’attendre un permis de travail au noir, puis une fausse green card, ou, s’ils ont de la chance, de pouvoir s’acheter un certificat de naissance improvisé, et alors…. ils auront le droit de recevoir des soins.

Les eaux du Rio Bravo sont empoisonnées ? Peu importe! Malgré les protestations des écologistes du New Mexico et du Texas, on les utilise de toute façon telles quelles, de part et d’autre de la frontière : dans ces zones désertiques, elles sont de toute façon trop précieuses pour les éleveurs qui y abreuvent leurs bovins, et pour les agriculteurs qui arrosent leurs productions d’oranges, de pamplemousses, de pommes, de noix de pécan, de pêches, etc. Ces eaux empoisonnées, les deux pays se les disputent même quand les pluies sont rares, mais les Etats-Unis, bien entendu, font la part du lion. Un peu comme pour les eaux du Jourdain, entre Israël et la Palestine.